diabetologyinstitute.com | 2025-04-30 à 20:39
Le président américain Donald Trump a récemment bouleversé l'ordre économique international en imposant des droits de douane à un grand nombre de pays dans le monde entier, dont de nombreuses économies africaines. Un nouveau coup porté à la crédibilité internationale de Washington.
BEIJING, 30 avril (Xinhua) -- Le président américain Donald Trump a récemment bouleversé l'ordre économique international en imposant des droits de douane à un grand nombre de pays dans le monde entier, dont de nombreuses économies africaines. Un nouveau coup porté à la crédibilité internationale de Washington.
En Afrique, ce déficit de crédibilité se traduit par la trahison, l'arrogance et la déconnexion, s'accroissant à un rythme sans précédent. Les experts s'accordent à dire qu'en l'absence d'un ajustement radical de la politique américaine, cette fracture de confiance sera impossible à combler.
Début avril, le gouvernement américain a dévoilé des nouveaux droits de douane pour beaucoup de pays. Plusieurs pays africains figurent parmi les pays faisant l'objet des droits de douane exorbitants annoncés par Washington, notamment des prélèvements allant jusqu'à 50% sur les marchandises du Lesotho, 47% pour Madagascar, 40% pour l'?le Maurice, 37% pour le Botswana et 30% pour l'Afrique du Sud.
Dans ce contexte, la Loi sur la croissance et l'opportunité de l'Afrique (Africa Growth and Opportunity Act, AGOA), qui a été lancée en 2000 et devrait expirer en septembre cette année, a vu la perspective de son renouvellement assombrie.
De telles mesures américaines ont non seulement gravement affecté les perspectives économiques et de développement de l'Afrique, mais ont aussi considérablement érodé la confiance du continent envers les Etats-Unis.
Depuis plus de deux décennies, une trentaine de pays africains bénéficient de l'AGOA, lequel leur permet d'exporter un large éventail de produits vers les Etats-Unis sans droits de douane. Pourtant, il semble que cet accord soit sur le point de mourir avant son 25e anniversaire.
Pour Yoro Diallo, ancien haut diplomate malien et ex-président du comité malien du Conseil international des musées, cette offensive tarifaire du président américain a propagé une onde de choc, exacerbant la vulnérabilité des économies africaines. "Elle affectera plus durement ceux qui sont étroitement liés aux Etats-Unis ou qui en dépendent d'une manière ou d'une autre."
Pire encore, les nouveaux tarifs douaniers ont accru le risque que l'AGOA soit supprimée avant même son expiration, à moins que la région ne présente de solides atouts pour la maintenir en place.
DES PROMESSES NON TENUES
La méfiance de l'Afrique envers Washington ne date pas d'hier. La perte de crédibilité de Washington se manifeste par une diminution de la perception positive du leadership américain sur le continent. Selon un sondage Gallup sur la perception du leadership global, le taux médian d'approbation des Etats-Unis en Afrique, indicateur du soft power de ce pays, est passé de 59% en 2022 à 56% en 2023. Parmi les quatre grands pays interrogés, les Etats-Unis sont les seuls à ne pas avoir vu leur image s'améliorer en Afrique en 2023.
Malgré le r?le de premier plan joué par les Etats-Unis dans les affaires africaines, leur déficit de crédibilité sur le continent persiste et même risque de s'accentuer dans certains cas.
Par exemple, depuis le premier sommet Etats-Unis/Afrique sous l'administration Obama en 2014, les pays africains nourrissaient de grands espoirs quant aux promesses d'investissements américains. Pourtant, au lieu d'augmenter, les échanges commerciaux entre les Etats-Unis et l'Afrique ont considérablement diminué depuis lors. Selon le Bureau du recensement des Etats-Unis, le commerce entre le pays et l'Afrique, qui s'élevait à 113 milliards de dollars en 2010, s'est contracté à 67,4 milliards en 2023.
En 2018, l'administration Trump avait lancé le programme "Prospective Afrique", qui visait à stimuler la croissance africaine via le commerce et les investissements. Or, M. Trump, qui n'a jamais visité le continent pendant son mandat, a réduit le budget de l'Agence américaine pour le développement international (USAID). Aujourd'hui, l'administration de Trump a carrément fermé l'USAID.
En outre, l'aide américaine, souvent conditionnée aux soi-disant droits de l'Homme, est pleine d'incertitude.
"Alors que la réponse dirigée par les Etats-Unis au changement climatique, au financement du développement et à la compétition des grandes puissances semble continuer à favoriser le Nord mondial (...), cette promesse excessive et ce manque de résultats n'ont fait que renforcer la réputation bien établie selon laquelle Washington est un partenaire intrinsèquement peu fiable, voire hypocrite", a écrit Cameron Hudson, chercheur principal au programme Afrique du Centre d'études stratégiques et internationales (CSIS), dans un rapport de ce think tank.
ARROGANCE ET DECONNEXION DES REALITES AFRICAINES
Selon le site Africa Intelligence, le secrétaire d'Etat américain, Marco Rubio, a annulé sa première visite prévue en Afrique, qui devait le conduire au Kenya et en Ethiopie. Bien que les raisons précises de cette annulation n'aient pas encore été révélées, cette décision est per?ue comme un revers pour les relations diplomatiques entre les Etats-Unis et l'Afrique de l'Est.
Un autre épisode marquant du sommet Etats-Unis/Afrique de 2022 a été largement relayé : plus de 50 dirigeants africains ont été transportés en autocar vers le lieu de la rencontre. Le président kenyan William Ruto, qui s'est indigné de cette réception peu protocolaire, a dénoncé l'incorrection consistant à "nous entasser dans des bus comme des écoliers".
Outre l'arrogance affichée, l'approche américaine envers l'Afrique est caractérisée par une déconnexion profonde d'avec les réalités africaines.
Selon le politologue bissau-guinéen Seco Cassama, les Etats-Unis ignorent complètement la réalité africaine, jugeant que "leurs traditions, leur civilisation imposent toujours leurs intérêts au-dessus de ceux des Africains". Pour lui, les initiatives américaines relèvent souvent d'une forme d'imposition qui ne respecte pas la réalité africaine.
Prenons comme exemple la présence militaire des Etats-Unis au Niger. Selon une analyse de données faite par Olayinka Ajala, ma?tre de conférences en politique et relations internationales à l'Université de Leeds Beckett au Royaume-Uni, en dépit de l'opération américaine qui a débuté en 2013, les activités terroristes et les décès n'ont cessé d'augmenter depuis 2014. En fait, le nombre d'attaques a augmenté de manière significative depuis 2018, lorsque les Etats-Unis ont ouvert la base aérienne 201 à Agadez (Niger), mettant en avant l'inefficacité des stratégies américaines, qui ne tiennent pas compte des réalités locales ni des sentiments des populations.
Selon des experts des affaires africaines, la politique tarifaire des Etats-Unis et leur négligence envers l'Afrique exacerbent le "déficit de confiance" à l'échelle mondiale. Une coopération Sud-Sud renforcée est essentielle pour relever les défis pressants d'un monde en mutation rapide, a estimé Nkolo Foé, ancien professeur de l'Université de Yaoundé. "Les mesures que Donald Trump a prises impactent directement le Sud global et ces mesures sont de nature à déstabiliser l'ordre international et à perturber la coexistence pacifique. Les pays du Sud global, et particulièrement l'Afrique, sont en train de se réveiller."